Au nom du fisc, de la perte et des sans esprit

Alors comme ça, l’unique ressource naturelle du Maroc est l’impôt. Quel constat déprimant du ministre des Finances Mohamed Boussaid qui pourfend nos illusions avec le glaive du pragmatisme: «Au Maroc, nous n’avons ni pétrole ni gaz, seulement des impôts». Cela expliquerait-il la gloutonnerie fiscale dont sont victimes travailleurs de la classe moyenne, TPE, PME et, plus récemment, grands groupes tels l’OCP, BMCE Bank et Saham. Ce beau monde a vu la boule de chantier de la DGI lui fracasser le crâne à coups de milliards de dirhams de redressement? Lors d’une conférence de presse, tenue à Rabat, le 27 janvier dernier, Boussaid, en gestionnaire tatillon, véritable «casio» budgétaire, a encapsulé le Royaume dans une équation rigide, figée, implacable et disons-le…déprimante: Le Maroc, en gros, ce sont des recettes de 218 MMDH et des dépenses de 258 MMDH. Ce qui donne une dette de 40 milliards. Celle-ci, se félicite le ministre, ne sert plus qu’à financer l’investissement public. Or, de nombreuses études ont établi que ce levier ne se traduisait plus ni en croissance forte ni en création d’emplois. En raison d’une asymétrie critique des circuits de l’économie, les investissements dont s’enorgueillit le ministre ne promeuvent que très faiblement la création de richesse et d’emplois (le chômage des diplômés est de 22,6%, en hausse perpétuelle). S’endetter à 5% sur les marchés internationaux pour réaliser une croissance de 1,7%, un gamin en culotte courte vous le dira, est un non-sens. Mesurez la caricature: Le fisc siphonne les créateurs de valeur, étouffe la classe moyenne à coups de TVA, de TIC et d’IR confiscatoires pour dégager de quoi investir à fonds perdus dans une sorte d’entonnoir retors qui absorbe des trombes de ressources pour n’en laisser ruisseler que deux gouttes.
En réalité,  l’Etat, ainsi que le propose avec intelligence Younès Benjelloun, DG de CFG Bank (Lire l’entretien page 32), doit devenir incubateur, plutôt qu’acteur. Tenez, le Maroc distribue 32 milliards de dirhams en niches fiscales à quelques gros industriels (entre autres secteurs) qui n’en font pas grand-chose, le FMI himself en convient. Pourquoi n’iraient-elles pas, ces niches, capitaliser les auto-entrepreneurs et les startups innovantes? Pourquoi ne pas se servir de cette manne pour préparer ce que Benoît Hamon, candidat PS à la présidentielle française, appelle le «futur désirable». Quid de l’Ubérisation? De l’économie du savoir? De la digitalisation? Du revenu universel (on peut toujours rêver)? L’investissement public ne peut guère être un acte mécanique, répondant à des objectifs annuels froids et sans perspectives. Il doit s’accompagner d’une philosophie, et si possible d’un horizon, d’une utopie, d’un projet de société. Quel est-il justement ce projet de société? Si l’on en croit le discours carré des argentiers de l’Etat, il puise et continuera à puiser son alpha et son oméga dans l’impôt, seule véritable ressource naturelle du pays. Encore, toujours, à jamais. Au nom du fisc, de la perte et des sans esprit.
Réda Dalil

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